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I- Une mise en garde maternelle :

A- Des paroles pressantes / Urgence de la situation :

  • Les expressions « empira », « désespérer de sa vie » et « péril où elle était » montrent la dégradation de l’état de santé de Mme de Chartres ainsi que l’urgence de la situation. D’ailleurs dans ce premier paragraphe d’où sont tirées ces expressions, on peut relever l’adverbe « considérablement » renforcé par l’adverbe intensif « si » participant également à montrer la dégradation importante de l’état de santé de Mme de Chartres.
  • La tournure impersonnelle « Il faut » (l.5) marque aussi cette urgence puisqu’elle est associée à l’euphémisme « nous quitter » qui renvoie à la séparation de Mme de Clèves et sa mère, représentées par le pronom personnel « nous », due à la mort imminente de cette dernière. Il s’agit ainsi d’une scène d’adieu. D’ailleurs le terme est employé explicitement à la l. 26 : « Adieu, ma fille ».
  • Lorsque Mme de Chartres dit « Je reçois la mort », on comprend qu’on assiste aux derniers instants de la vie de celle-ci. Le présent d’actualité à l’emploi ancre dans la situation d’énonciation la mort prochaine de Mme de Chartres. On comprend dès lors que cet entretien a pour but de marquer profondément la conscience de Mme de Clèves : « Souvenez-vous […] de tout c e que je viens de vous dire », paroles clôturant l’entretien. Ainsi, on souligne l’injonction à l’impératif qui a valeur de dernières volontés de Mme de Chartres.

B- La mise en garde d’un danger :

  • La répétition du mot « péril » (l.2 et l.5) apparait tout d’abord dans la partie narrative de l’extrait et renvoie à la mort imminente de Mme de Chartres alors que le second employé dans le début du discours de la mère renvoie au danger que constitue l’amour que porte la Princesse de Clèves au Duc de Nemours. Ces deux mots répétés se font donc écho et renvoient à deux morts, l’une réelle et l’autre symbolique et sociale.
  • La métaphore hyperbolique « sur le bord du précipice » montre l’imminence du danger et participe à l’éloquence de Mme de Chartres. Cette dernière est consciente du danger et parle avec franchise à sa fille sans détours : « Vous avez de l’inclination pour Monsieur de Nemours » (l.7). La proposition se révèle franche et directe comme l’expression d’une faute. D’ailleurs on remarque que les paroles de Mme de Chartres ne sont pas interrompues par sa fille. Son silence montre son approbation face aux révélations de sa mère.
  • L’expression « les malheurs d’une galanterie » souligne la possibilité d’un échec pour Mme de Clèves et sa mère ; et l’on peut apprécier l’emploi en complément du nom « malheurs » le groupe prépositionnel « d’une galanterie » dont le déterminant indéfini révèle la médiocrité de la faute.

 

II- Les dernières volontés d’une mère :

A- L’attachement maternel – un discours à visée argumentative

  • Les apostrophes « ma fille » répétées aux lignes 5 – 16 – 26 marquent l’affection et l’attachement de Mme de Chartres pour sa fille. Les dernières volontés de la mère sont exprimées grâce aux injonctions à l’impératif (« songez », « pensez », « ayez »,  « retirez-vous », « obligez », « ne craignez point », « souvenez-vous ») et grâce à des tournures impersonnelles d’obligation comme « il faut ». Il s’agit ainsi de recommandations d’une mère à l’article de la mort.
  • La présence de l’adverbe quantitatif « trop » répété deux fois (« trop rudes et trop difficiles ») appuie sur le désagrément que pourrait lui apporter les mauvais choix de la Princesse de Clèves et participe aux propos argumentatifs de Mme de Chartres. La présence de connecteurs logiques comme « d’abord » participe au déroulement argumentatif des propos de la mère de la Princesse qui ont pour but de persuader cette dernière de ne pas succomber à sa passion amoureuse. « ils seront plus doux dans les suites que les malheurs d’une galanterie ». L’antithèse « doux » / « malheurs » contribue à faire valoir les deux choix de la Princesse dont l’un apparaît néanmoins comme celui que la mère souhaite pour sa fille.
  • Mme de Chartres use également de chantage affectif en rappelant qu’elle va bientôt mourir lorsqu’elle emploie l’expression « le déplaisir que j’ai de vous quitter » mais aussi lorsqu’elle renvoie les actions futures de sa fille au repos de son âme : « je reçois la mort avec joie, pour n’en être pas le témoin. » On comprend dès lors que ce passage va marquer psychologiquement la mémoire de la Princesse et ce moment procède d’une situation fondatrice de la psychologie de la Princesse.

B- Le poids de convenances sociales :

  • Le vouvoiement participe à un discours soumis aux convenances sociales. Le statut social de Mme de Chartres et de la Princesse de Clèves les obligent également à garder une certaine retenue tant au niveau du langage (emploi d’un niveau de langue soutenu et de la 1ère personne du pluriel) qu’au niveau du comportement (« finissons une conversation qui nous attendrit trop l’une et l’autre », expression qui suggère une forme de retenue afin de ne pas être envahi par des sentiments excessifs comme les pleurs ou tout autre comportement affectueux.)
  • Le poids des convenances est également souligné par Mme de Chartres quand elle rappelle le statut marital de sa fille et son devoir d’épouse dans les expressions suivantes : « songez ce que vous devez à votre ami », « songez ce que vous vous devez à votre mari », « pensez que vous allez perdre cette réputation que vous vous êtes acquise et que je vous ai tant souhaitée ». Il s’agit ainsi de rappeler le devoir d’épouse envers son mari d’une part et d’autre part de rappeler l’éducation qu’elle a reçue de sa mère.
  • Dans la phrase suivante, « Ce serait de vous voir tomber comme les autres », le présentatif « c’est » accompagné du conditionnel présent renvoie à la possibilité de la chute de la Princesse comme une alternative non souhaitée par Mme de Chartres. En définitive, on peut d’ailleurs voir cette comparaison comme l’échec totale de l’éducation de la Princesse, si cette dernière décidait de suivre sa passion plutôt que son devoir.

Mme MAO

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